Interview - Thalie Némésis
- Xzvrey

- 24 sept.
- 9 min de lecture

Suite à la publication de la chronique de Catarsis Apotropaica, le EP solo le plus récent de Thalie Némésis. L'artiste a accepté de répondre à une interview dans les colonnes de notre webzine. L'univers assez atypique de Thalie surprendra et c'est tant mieux. Compte tenu de la multitude des projets portés par cette chanteuse, il était nécessaire de clarifier un peu les choses par le biais de cet échange.
Influences multiples, inspirations variées, collaborations fréquentes avec d'autres artistes, décidemment, la chanteuse du sud semble avoir beaucoup de choses à nous raconter ; Jeu D'Ombre est heureux de lui donner la parole.
- Propos recueillis par Xzvrey en 2025
1/ Salut Thalie ! Avant toute chose, comment vas-tu ? Que fais-tu de beau ces derniers temps ? Qu’est-ce qui tourne en boucle dans ta platine ?
Salut Florent. Merci pour cette interview. Je vais bien, je te remercie, j'espère que toi aussi. Ces derniers temps, je fais plein de choses : je termine les prochains titres de mon futur album et ceux de l'album que je fais pour mon side-project intitulé « KN » que je mène avec Phil K (Ex-AinSoPhaur). Je prépare aussi les lives de ces deux projets. Bref, j'ai du boulot ! Et j'écoute le dernier Viagra Boys, mais aussi Camecrude et Mütterlein, AinSophAur... ça tourne en boucle de manière alternative !
2/ Bon, commençons par le commencement, peux-tu te présenter et nous expliquer en gros ton projet musical ? Tu composes et enregistres tout toute seule ?
Bien sûr. Thalie Némésis est un projet musical né dans le sud de la France en 2013. C'est un « one woman band » qui mêle mes influences qui sont éclectiques : trip hop, cold wave, indus et sonorités ethniques, tout en privilégiant l'intensité émotionnelle.
Mon premier album est sorti en 2014 sur le label français Infrastition, il a été mixé/masterisé par le frontman de The Nightchild, l'Ukrainien Alexey Nikitchenko. J'ai quasiment tout composé, à l'exception de « Paris at night », morceau que nous avons fait ensemble avec Alexey. J'enregistre tout moi-même. Sur cet album, j'avais deux guitaristes, le second étant juste un guest sur le morceau « Winter Song ». Mais globalement, je suis la « tête pensante » (et exécutante!) du projet !

3/ Ta dernière création Catarsi Apotropaica a un nom bien mystérieux. Quel est le concept de cet album ? De quoi est-il question dans tes textes ? Comment s’est déroulée la création de cet opus ?
Je m'inspire souvent de la mythologie est des récits primitifs. C'est déjà le cas dans le choix du nom de mon projet, avec la figure de la « Némésis ». Le concept de ce EP est de proposer cinq incantations apotropaïques (« Catarsi Apotropaica ») : des rituels sonores pour repousser les malédictions et les présages funestes, dans la lignée des pratiques ancestrales des anciens Grecs et Arméniens. C’est en quelque sorte le cri d’une âme ancienne en guerre, un hymne de résistance et de mémoire, invoquant les esprits des ancêtres et la force intemporelle des femmes.
Il est plus engagé, politiquement et spirituellement, que mes précédentes sorties, car il est intimement lié à la catastrophe de l'Artsakh face à laquelle la diaspora arménienne, pourtant engagée et active, est restée impuissante et dont les voix ont été étouffées. Nous avons revécu le traumatisme du génocide arménien à travers la déportation des 120 000 Arméniens chassés de nos terres ancestrales. Tout ceci a été invisibilisé par le biais des différents confinements dûs au Covid, notamment... Mon travail sur ce EP tisse un lien entre les traumatismes transgénérationnels et la prophétie visionnaire. Il incarne la voix de la Femme archétypale — voyante des catastrophes à venir — incarnée par Cassandre, sur le morceau « Cassandra », maudite par les hommes à dire des vérités que nul n’entend.
À travers elle, la tragédie de l’Arménie est annoncée dans une prolepse étouffée par le silence.
Ici, la figure de la Femme et celle de l’Arménie ne font plus qu’une — la première devenant l’allégorie de la seconde. Toutes deux expriment une même plainte ardente : un cri de rage, de mémoire et d’insoumission — le cri de la Furie (la « Némésis »).

4/ Je reconnais avoir du mal à classer ta musique (tant mieux, le classement n’est pas obligatoire). Quel genre de musique fais-tu selon toi ?
Mais, ce n'est pas d'ordinaire aux journalistes de classer les oeuvres dans des genres ? Je plaisante, bien sûr, mais tu sais, c'est très diffficile de se classer soi-même, d'autant que je me suis toujours refusée, par éthique, à me coller des étiquettes... les autres le font bien assez pour nous !
Alors je vais reprendre à mon compte la réponse d'Andrew Eldritch : je fais du rock noir.
5/ Peux-tu nous parler un peu de ton parcours avant Catarsi Apotropaica ? J’ai vu que tu avais sorti pas mal de choses. As-tu œuvré dans d’autres projets avant de commencer à créer sous ton propre nom ?
Ah, tu as vu ? Ça me fait plaisir que tu aies jeté un œil à ce que je faisais avant ! Alors, je t'ai déjà parlé de mon premier album. Entre cet album et ce EP, j'ai participé à pas mal de projets : le Dusk des Modules étranges (j'ai fait le chant pour plusieurs morceaux et écrit les textes correspondants) et j'ai également collaboré avec de nombreux artistes internationaux issus de scènes darkwave, noise, indus ou expérimentales. J'ai participé, en tant que chanteuse, à un album de Defekt86 (Allemagne), à des morceaux de Work at night (Suède), Front sonore, Unune (GB), The Question (eLaMorTe) (Colombie)... j'ai pas mal voyagé grâce à la musique !
6/ Il y a quelques temps, tu figurais sur un remix du single « Ton Souvenir » de Phil K. qui a d’ailleurs été remixé par mon ami Drone. Comment s’est déroulée cette collaboration ?
Effectivement. « Ton Souvenir » devait se trouver initialement sur mon EP, c'était un morceau que j'avais composé et que j'ai proposé à Phil K. pour la partie chant. C'est ainsi que ce titre lança le début d'une belle collaboration qui se poursuit encore aujourd'hui, puisque nous avons quasiment un album prêt à ce jour !
7/ T’es-tu déjà produite sur scène avec ton projet ou avec d’autres formations ? Quel est ton rapport avec le public ? Es-tu accessible ? Aimes-tu prendre le temps de discuter avec les personnes présentes aux concerts ?
Oui, bien sûr, j'ai déjà fait des concerts avec ce projet et avec d'autres formations. J'aime bien discuter après les concerts, si le public vient me voir, il n'y a aucun souci, c'est plutôt sympa !
8/ As-tu reçue une formation musicale (école, conservatoire etc.) ou es-tu totalement autodidacte ? Quand as-tu

commencé à faire de la musique d’ailleurs ?
Disons que j'ai picoré par-ci par-là. J'ai pris des cours particuliers avec différents profs, en guitare et en chant. En école aussi. Et même en conservatoire ! Mais rien de bien institutionnel au final car je suis suspicieuse à l'égard des institutions ! J'ai commencé la musique à l'adolescence, nous faisions partie de groupes dans nos lycées ici à Aix.
9/ En matière de goûts musicaux maintenant, quels sont tes albums de référence ? Quelle a été ta première claque musicale ? Est-ce que certains albums t’ont donné envie de créer tes propres compositions ?
Ma première « claque », disons que c'est certainement The Downward Spiral de Nine Inch Nails. Cela reste quand même l'un des albums de référence, c'est un véritable chef-d'oeuvre. C'est définitivement Trent Reznor qui m'a donné envie de créer mes propres compositions. Ensuite, Live Through this de Hole a tourné dans ma platine d'ado jusqu'à être rayé sur tous les bords... c'est sûr que c'est elle qui m'a donné la hargne suffisante pour prendre une guitare.
10/ Allez on en est à la moitié, question déconnade maintenant. Qu’est-ce que c’est que ce binz sur les plateformes ? On trouve une partie des albums sur bandcamp, une autre sur spotify, alors que d’autre sont accessibles un peu partout.
Ah bon ! Je t'avoue que je m'en occupe mais seulement en partie puisque c'est le label Transmission Nova qui gère une partie des plateformes. Quand tu dis « d'autre », j'imagine que ce sont les autres groupes ? Non mais tout est accessible sur Spotify et Bandcamp, je t'assure, et même ailleurs (Apple et cie). Il y a d'ailleurs, en complément, beaucoup de vidéos sur Youtube. Pourquoi, tu voudrais que les tracks soient accessibles sur quelle plateforme ? Si tu as des suggestions;)
En attendant, voilà le lien Linktr.ee où tout est – normalement - disponible : https://linktr.ee/thalienemesis

11/ T’arrives-tu de te rendre à des concerts ? Si oui, quelles ont été tes dernières claques ? Quels sont les groupes que tu aimerais vraiment voir sur scène un jour ?
On a la chance ces dernières années d'avoir pas mal d'occasions d'aller à des concerts dans ma région d'Aix-Marseille. Alors, je ne me prive pas ! La dernière claque, c'est Camecrude, de l'indus rituel que j'ai découvert lors d'un festival de musiques expérimentales vers Carcassonne. Le frontman joue sur une vielle à roue dont il traite le son, c'est incroyable. J'ai adoré aussi le concert de Chelsea Wolfe à Lyon, que j'espérais voir depuis longtemps. J'aurais bien aimé voir Hole sur scène, à la bonne époque, mais hélas... J'aimerais voir Heilung.
12/ Parlons un peu des scènes Post-Punk/Goth maintenant, car c’est le cœur battant de ce webzine. Quel est ton rapport avec ces scènes ? Considères-tu que tu en fais partie au même titre que ta musique ?
Je pense que c'est effectivement la scène dont je suis la plus proche. Mais elle est très vaste, très vivante et aussi très complexe... alors, considérer que j'en fais partie... Pour ma part, et pour ces raisons, je préfère parler de scène alternative : il y a d'un côté l'art et la musique « qui se vendent », ceux des Mass Medias et de la culture de masse, et puis notre culture, et notre musique, vivantes, créatives, libres... c'est là qu'il faut chercher l'art et la musique véritables !
Après, concrètement, je dirai que mes contacts, collaborateurs et amis sont principalement dans la scène goth/postpunk alors, oui, on peut considérer que j'en fais partie, bien sûr...

13/ Où es-tu basée ? Comment se portent les scènes dont nous venons de parler par chez toi ? Y a-t-il régulièrement des évents ?
Comme je le disais précédemment, ces dernières années, on a une bonne programmation, ce qui n'a pas été toujours le cas.
A Marseille, il y a pas mal de salles alternatives et punk, notamment l'Intermédiaire, le Molotov, qui est assez dark/coldwave (j'y ai notamment vu Lebanon Hanover et Zanias) et le 6mic qui fait jouer des groupes de rock assez éclectiques mais aussi cultes de la scène dark (Sisters of mercy, Frustration...).
14/ Tu as déjà sorti pas mal de prods mine de rien. Es-tu déjà à l’œuvre pour créer de nouvelles compositions ? Quels sont les thèmes que tu aimerais aborder dans le futur ?
Bien sûr ! J'ai quasiment tout de prêt pour le futur album. Je pense qu'il sortira cet hiver. Même chose pour mon projet avec Phil K, que nous avons appelé « K/N ». Dans le futur, peut-être que j'évoquerais notre rapport au temps qui passe et cette urgence à devenir ce que nous sommes...
15/ Es-tu active dans le domaine de l’art par d’autres biais ? Quel est la place de ta musique dans ta vie quotidienne ? As-tu un job ou une activité autre que ton projet musical ?
J'ai effectivement une autre activité, mais elle fait partie d'un monde prosaïque que je préfère ne pas évoquer ici : la poésie de la musique détient une part essentielle de ma vie, c'est la porte ouverte vers d'autres cieux, vers un monde plus grand ! Dans l'avenir, je souhaite également écrire et j'ai déjà des textes prêts (romans et nouvelles).
16/ Quels sont tes autres hobbies à part la musique ?
La lecture, bien sûr ! Mais la musique me « possède » énormément...

17/ Je vous préviens, celle-là, on n’y coupe pas. Quels sont tes plats et boissons préférés ? As-tu une recette spéciale de ton cru à partager avec nous ?
Original comme question ! 😃 Je ne vais pas être tentée de te faire une réponse à la Hannibal Lecter : un bon vin de Bordeaux avec un bon tartare de bœuf cuit à point ! 😃
Blague à part, j'adore manger... alors, comment choisir ? Ceci dit, je suis une fille du sud, donc je dirais, une bonne soupe au pistou... et au moins, les végétariens ne me diront rien !:) Et en boisson, une bonne bière de la Rade, brasserie toulonnaise que je recommande... certainement la meilleure bière du pays... et en plus, ils font des concerts, tiens !
18/ Si tu pouvais faire une collab’ avec un seul (ou une seule) artiste reconnu, qui serait-ce ? Pourquoi ?
The Soft Moon... malheureusement, il est mort il y a peu. Heureusement pour moi, je l'avais vu deux fois en concert, et c'était magnifique. RIP Luis Vasquez... je suis vraiment fan de son travail.
A part The Soft Moon, je dirais Chelsea Wolfe, parce que quand j'ai écouté pour la première fois Abyss, je me suis dit que c'était ce son que je cherchais depuis longtemps.
19/ On arrive déjà à la fin de cet entretien malheureusement. Souhaites-tu dire quelque chose de plus au lectorat de Jeu D’Ombre ?
20/ Thalie, merci beaucoup d’avoir répondu à mes questions. Je te souhaite bonne fortune dans tes projets musicaux Les derniers mots te reviennent de droit.
Merci beaucoup, je te souhaite la même chose ! Et merci de faire entendre la voix des femmes et des femmes artistes... c'est précieux !
A bientôt !



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