Portrait - DJ De'Ath - 2025 (FR)
- Xzvrey

- il y a 11 minutes
- 18 min de lecture

Parmi les DJs rencontrés lors de nos voyages avec mon groupe The Last Oath, il y en a un qui ne nous a pas laissé indifférent. C'était à Varsovie, durant le Hex&Sex III. Nous avions fini de jouer et après un set impressionnant de Hielga, la soirée se poursuivait dans un club voisin. Les platines de DJ De'Ath se sont mise en marche et cet orfèvre de la playlist nous a délivré un set franchement mémorable. Nous avons eu ensuite la chance d'échanger un peu avec lui et c'est alors que l'idée de cette interview est née. Nous sommes ravis de vous présenter les réponses de cet homme qui a bien des choses à raconter sur la scène gothique.
- Propos recueillis par Xzvrey en 2025
1/ Salut DJ De’Ath. Pour commencer, comment vas-tu ? Quelles ont été tes découvertes musicales préférées au cours des derniers mois ?
Salut ;) Je vais plutôt bien. Mes récentes découvertes musicales préférées seraient : Ecco Homo de Gavin Friday (excellent aussi en concert), Ashes and Diamonds (le nouveau projet de Daniel Ash), Nero Kane, Illegal Funeral, Blyski, Black Rain, Magic Wands et Dancing Plague ; ce sont les premiers noms qui me viennent à l’esprit.

2/ Pourrais-tu te présenter et nous dire depuis combien de temps tu es DJ ?
Comment cette aventure a-t-elle commencé ?
Bien que je sois passionné de musique alternative depuis la majeure partie de ma vie, j’ai en réalité commencé assez tard le DJing. À l’époque, je me rendais chaque dimanche au Bar Phono — auparavant connu sous le nom de Le Phonographique à Leeds — qui fut le premier club gothique à avoir ouvert au Royaume-Uni, quelques années avant le Bat Cave de Londres, largement surestimé. Au Bar Phono, ils passaient chaque semaine Temple of Love dans sa version originale, et il arrivait parfois que des habitués du club assurent des sets en invité. Bien que je voyageasse en Europe, collectionnant les nouveautés de la scène gothique et réalisant des cassettes pour mes amis (cela se faisait encore dans les années 90), je n’avais pas ressenti le besoin de devenir DJ. Mais mes amis n’arrêtaient pas de me dire : « Tu as bien meilleure musique que ceux qui mixent ici, tu pourrais faire un excellent set. »
J’ai fini par accepter, et le 4 juillet 1999, j’ai fait mes débuts. Tout s’est très bien passé, même si je n’avais encore jamais mixé sur platines ; j’imagine que j’avais déjà acquis une certaine aisance grâce à la réalisation de mes mix-tapes ;)
À partir de là, j’ai lancé ma première soirée gothique, intitulée Black Out, à Harrogate ; elle a connu environ quatre éditions.
3/ Tu vis actuellement à Cracovie, mais lorsque nous nous sommes rencontrés, tu m’as dit être originaire du Royaume-Uni. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Je suis né dans le Yorkshire. Mon père était originaire du Yorkshire et ma mère était irlandaise. Je me suis toujours senti plus proche de mes racines irlandaises (même mon père avait des liens avec l’Irlande). C’est d’ailleurs de là que me viennent mes yeux verts et ma peau pâle de vampire ;-). Je vivais dans une petite ville près de Leeds et faisais la navette — les transports publics étaient catastrophiques, donc j’ai passé mon permis et acheté une petite voiture aussi vite que possible — pour assister aux concerts et aux soirées, avant de finalement m’installer en ville.
La seule bonne chose à tirer de la pandémie est qu’elle a retardé la mise en œuvre du Brexit : au lieu de tomber d’une falaise, le Royaume-Uni dévale lentement la pente, perdant ses standards les uns après les autres. Ma petite amie polonaise et moi avons décidé de quitter le pays, car il était évident de voir ce qui allait arriver, et que le Royaume-Uni glissait vers le déclin.
Le polonais est une langue difficile à apprendre, mais je fais de mon mieux, même si c’est avec mon accent du Yorkshire, ce qui peut parfois surprendre les gens ;-)
4/ Quand as-tu commencé à utiliser le nom DJ De’Ath?
Bien que je sois passionné de musique alternative depuis la majeure partie de ma vie, j’ai en réalité commencé assez tard le DJing. À l’époque, je me rendais chaque dimanche au Bar Phono — auparavant connu sous le nom de Le Phonographique à Leeds — qui fut le premier club gothique à avoir ouvert au Royaume-Uni, quelques années avant le Bat Cave de Londres, largement surestimé. Au Bar Phono, ils passaient chaque semaine Temple of Love dans sa version originale, et il arrivait parfois que des habitués du club assurent des sets en invité. Bien que je voyageasse en Europe, collectionnant les nouveautés de la scène gothique et réalisant des cassettes pour mes amis (cela se faisait encore dans les années 90), je n’avais pas ressenti le besoin de devenir DJ. Mais mes amis n’arrêtaient pas de me dire : « Tu as bien meilleure musique que ceux qui mixent ici, tu pourrais faire un excellent set. »
J’ai fini par accepter, et le 4 juillet 1999, j’ai fait mes débuts. Tout s’est très bien passé, même si je n’avais encore jamais mixé sur platines ; j’imagine que j’avais déjà acquis une certaine aisance grâce à la réalisation de mes mix-tapes ;-)
À partir de là, j’ai lancé ma première soirée gothique, intitulée Black Out, à Harrogate ; elle a connu environ quatre éditions.

5/ Parlons un peu de ta connexion avec la culture gothique. Quand as-tu commencé à t’y impliquer ? Y a-t-il eu un morceau en particulier qui a tout déclenché pour toi ?
Je suis d’abord entré dans le punk lorsque j’étais adolescent, au lycée. Je n’avais pas les moyens d’acheter des disques, mais un de mes amis travaillait le week-end dans la boulangerie de son père et pouvait se le permettre. Une semaine après la sortie du premier album des Sex Pistols, j’ai pu l’écouter pendant que mes parents étaient sortis — à cause des jurons ;-)
Le punk et la new wave ont ensuite donné naissance à un son nouveau, plus sombre, qu’on appelait alors dark punk, avec Siouxsie and The Banshees, The Cure et The Damned comme figures de proue. J’étais un auditeur assidu de John Peel à la radio : on y entendait le parfait mélange de punk, de new wave, de dark punk et de ce nouveau son qu’était le ska new wave. Je suis devenu rudeboy lorsque cette musique et cette mode ont déferlé sur le Royaume-Uni, surtout parmi les lycéens. J’ai d’ailleurs porté pendant un moment la coupe de cheveux courte typique de Madness. Cette musique exprimait la colère et le déclin social du Royaume-Uni, tout en ouvrant la voie aux années 80. Comme le punk, elle a décliné au bout de deux ou trois ans, lorsque les groupes ont changé : The Specials sont devenus Fun Boy Three, d’autres se sont séparés ou ont pris un tournant plus pop. J’écoutais alors beaucoup de new wave sans véritable allégeance : U2, Big Country, Simple Minds, Eurythmics, ou encore Human League et Ultravox — ces derniers étant plus punks dans leurs débuts. Côté coiffure, j’ai tout eu : cheveux longs, courts, rasés, hérissés… tu n’as qu’à choisir ;)
J’ai commencé à regarder une émission musicale à la télévision, The Tube, qui proposait de nombreux groupes en live. Cela m’a amené à écouter un large éventail de new wave et de dark punk.
Le premier groupe gothique que j’ai vu sur scène fut The Cult, à l’époque de la sortie de Resurrection Joe, lorsqu’ils assuraient la première partie de Big Country sur leur tournée britannique Steeltown.
Je suis véritablement tombé dans le gothique en janvier 1985, après avoir vu Killing Joke à The Tube alors que j’étais dans mon fish & chips local. C’était comme si les lumières s’étaient éteintes : j’ai pleinement embrassé l’obscurité du goth, les vêtements noirs et les concerts à répétition.

6/ Puisqu’on parle de culture gothique, qu’est-ce qu’elle représente pour toi aujourd’hui ?
Ta perception de ce qu’est — ou de ce que devrait être — la scène gothique a-t-elle évolué avec le temps ?
Je pense que la culture gothique est aujourd’hui très attaquée ; sa valeur est grignotée par l’intelligence artificielle, les réseaux sociaux, et les biographies écrites par des gens qui, à l’époque, ne faisaient pas vraiment partie de la scène gothique. Sur Facebook, on trouve quantité de pages qui publient des images prétendument issues des années 80 alors qu’elles ne le sont pas, ce qui crée une histoire déformée à laquelle certains cherchent à se conformer. Ce que j’aimais dans les années 80, c’est qu’il n’y avait ni réseaux sociaux, ni Internet, ni smartphones : les gens vivaient l’instant présent, soutenaient la scène, et ne posaient pas pour des photos ;-)
Aujourd’hui, il existe une déconnexion totale entre l’image et la musique à cause d’Instagram et de TikTok, où tout semble reposer sur la mode, les maquillages noir et blanc façon Kiss, et où la musique peut être du métal, du rap ou de la techno, mais pas du goth.
La scène gothique originelle au Royaume-Uni est issue du punk et de la new wave, dont elle constituait au départ une forme de dark punk. La plupart des punks d’origine n’avaient pas de coiffures multicolores extrêmes, et les premiers goths — surtout les hommes — ne portaient pas beaucoup de maquillage. Cela n’est apparu que vers la fin des années 80 et dans les années 90, où les styles se sont faits plus outranciers, allant au-delà des simples vêtements et accessoires.
Le goth a indéniablement changé et évolué. Dans les années 80, il se distinguait nettement de la musique grand public, et surtout du métal. Mais à mesure que les années 90 arrivaient, la scène britannique a commencé à décliner, les trois derniers grands groupes gothiques étant Rosetta Stone, Nosferatu et Dream Disciples. Avec ce déclin, il était naturel que les goths se tournent vers d’autres influences, intégrant davantage d’éléments électroniques et rock.
L’Allemagne, la France, la Belgique et les États-Unis ont alors commencé à porter cette évolution, avec une montée du darkwave. Au début du millénaire, le deathrock a connu une véritable renaissance, portée par les États-Unis et l’Allemagne, puis l’Italie est devenue un moteur pour les nouvelles vagues de groupes darkwave et post-punk.
Je pense que la pandémie a eu un impact très négatif sur la scène gothique. Cette scène s’est toujours construite sur le rassemblement, la communauté vivante, et pendant deux ans, tout a stagné. Les nouveaux groupes n’ont pas pu jouer, donc ils n’ont pas pu exploiter le potentiel de leurs sorties d’albums.
J’ai essayé de faire du streaming à l’époque, mais ma connexion Internet au Royaume-Uni était si mauvaise que la diffusion coupait sans cesse ; j’ai donc préféré publier davantage de mix sur Mixcloud. Durant la pandémie, j’ai vu l’intérêt du streaming pour la santé mentale des gens, mais je pense qu’aujourd’hui, ceux qui continuent à le faire nuisent à la scène : il faut encourager les gens à sortir, aller à des soirées, voir des groupes, en former eux-mêmes, et rejoindre la communauté gothique, plutôt que de rester chez eux à regarder des flux en ligne, écouter Spotify ou croire tout ce qu’ils voient sur les réseaux ;-)
Pour l’instant, j’attends encore la nouvelle vague de groupes qui fera avancer la scène. En général, cela vient d’un ou deux pays. Aussi bons que soient She Past Away ou Lebanon Hanover, ils existent déjà depuis près de vingt ans pour les premiers et quinze ans pour les seconds.
Pour moi, Varsovie — et la Pologne plus largement — a le plus grand potentiel pour incarner cette nouvelle vague, mais nous verrons bien. Il est possible que, dans dix ou quinze ans, les gens assistent à des concerts d’hologrammes, écoutent de la musique générée par l’IA, ou que 70 % des morceaux disponibles sur les plateformes de streaming soient produits artificiellement. Les smartphones semblent avoir rendu les gens moins curieux : ils n’entendent plus, ou ne se soucient plus, de savoir si un groupe est réel ou non.
Un bon exemple : Transportna, un groupe ukrainien entièrement fictif, créé par deux hommes en Lituanie qui ont étudié l’ukrainien avant d’utiliser l’intelligence artificielle pour générer les chansons. En anglais, on repère facilement les morceaux produits par l’IA, mais dans une autre langue, c’est bien plus difficile. Sur YouTube, la vidéo la plus populaire de Transportna compte 357 000 vues.
Je recommanderais aussi aux lecteurs de visiter mon site https://djdeath.co.uk/
, où figure un excellent article écrit par mon ami Paul Lanyon (paix à son âme), qui parle des débuts de la scène gothique. Il est lui-même passé du punk au dark punk, puis au goth, et faisait partie des tout premiers goths du Royaume-Uni.

7/ Quels sont tes artistes de référence ? Pourrais-tu citer quelques groupes cultes que tu admires, ainsi que des formations actuelles que tu apprécies particulièrement ?
Je dirais que Killing Joke reste mon groupe préféré. Parmi les anciens, ce sont les seuls qui ont su conserver cette intensité dans leurs prestations live. J’ai donc été profondément choqué et attristé lorsque j’ai appris la mort de Geordie Walker ; c’est d’autant plus triste que, dans les années précédant son décès, le groupe n’a jamais achevé un nouvel album. Depuis la séparation de Fields of the Nephilim, j’ai toujours estimé qu’ils n’avaient jamais retrouvé le même niveau de musicalité que celui de leurs membres originaux. Mais lorsque je les ai vus au Soundedit Festival à Łódź, ils s’en rapprochaient beaucoup, et la sélection des morceaux en a fait un concert remarquable.
Parmi les groupes plus anciens que j’apprécie : Cactus World News, Blue in Heaven, Gentle Ihors Devotion, Rosetta Stone, Dream Disciples, Nosferatu, Flesh for Lulu, The Bolshoi, Ikon, Decoded Feedback, Butterfly Messiah, Antiworld, LOUD, All About Eve, Drug Free America, The Marionettes, Suspiria, The Wake, The Last Dance, Sopor Aeternus, Wumpscut, Corpus Delicti, Violet Stigmata, Leather Nun, Faith and the Muse, Judith, Deine Lakaien, The Soft Moon, Xmal Deutschland (et bien d’autres !).
Quant aux groupes actuels que j’aime particulièrement : Date at Midnight, Eat My Teeth, Ductape, Black Rain, 25 Jesuses of Fear, Illegal Funeral, Lathe of Heaven, Ashes and Diamonds, New Skeletal Faces, Natures Mortes, Undercut, Shad Shadows, Denuit, Dlina Volny, Dancing Plague, Poison the Vicar, Magic Wands, Pororoka, Gavin Friday (et pas mal d’autres encore !).

8/ Mon ami, tu étais présent au Hex & Sex III de Varsovie (où mon groupe The Last Oath a également joué !). Comment s’est déroulé l’événement pour toi ? Quels souvenirs en gardes-tu ? J’ai beaucoup aimé ton set DJ, d’ailleurs. Qu’as-tu ressenti ce soir-là ?
J’avais déjà assisté à Hex and Sex l’année précédente : j’y avais vu Eat My Teeth en première partie de Lathe of Heaven, et leur attitude, leur énergie et leur potentiel m’avaient vraiment impressionné. Ils me rappelaient l’esprit qui animait les groupes de la scène gothique britannique, en particulier dans la région de Leeds. Hex and Sex avait une atmosphère brillante et un mélange de gens formidables, même simplement en tant que spectateur ;) J’ai donc été honoré et heureux d’être invité à mixer lors de l’afterparty ! Ayant déjà rencontré EMT et Nameless Creations, nous sommes devenus amis, et je pense que cette camaraderie fait partie intégrante de l’éthique du festival : nous sommes tous là parce que nous aimons la musique gothique, sans prétention ni attitude de star. C’était aussi un vrai plaisir de rencontrer Hihelga et vous autres !
Je crois qu’on pouvait voir à quel point tout le monde était heureux d’être là ; chacun a livré une excellente performance, ce qui a renforcé cette belle atmosphère. J’apprécie énormément le travail de l’équipe d’organisation, et j’espère sincèrement qu’ils le referont l’an prochain, car c’est un grand festival qui prouve qu’un événement plus petit n’est pas forcément moins bon ;)
9/ Faisons une courte pause amusante : quelle est la chose la plus drôle ou la plus inattendue que tu aies vécue dans la scène post-punk ou gothique ?
L’une des expériences les plus drôles — ou les plus absurdes — que j’aie vécues remonte à une mini-tournée entre Vilnius et Minsk. Le premier concert avait lieu au Dark World de Minsk, puis le lendemain je jouais à Vilnius pour Halloween II. Il y avait déjà beaucoup de neige, alors je portais une chapka noire en fourrure (ushanka) et un long manteau en fausse fourrure que j’avais emprunté — un peu dans le style de l’oncle Fester. En plein milieu de nulle part, dans cette tempête de neige, la police intérieure est montée à bord du train. Bien que j’aie eu tous les visas et papiers nécessaires, ils voulaient que je descende, mais ils parlaient russe. J’ai dit que je ne comprenais pas. Lorsqu’ils sont allés dans le wagon suivant, les passagers m’ont dit : « Ne descends surtout pas ! Ils veulent te soutirer de l’argent, ils sont corrompus, reste à ta place. » Ils ont repassé une fois, ont reparlé, puis sont partis, puisque je n’avais pas bougé.
Au dernier set, au Darkway de Minsk, il y avait pas mal de gens qui m’avaient déjà vu deux ans auparavant. Le set se passait très bien, la piste était pleine… jusqu’à ce qu’un type — probablement ivre, drogué, ou les deux — décide de monter sur scène, à gauche de la cabine DJ, pour entamer un strip-tease ! C’était à peu près le troisième morceau avant la fin. Il dansait encore à moitié sur le morceau suivant, quand une partie du public a commencé à lui crier de descendre. Cela s’est transformé en bagarre : hommes et femmes tentaient de le faire sortir de scène. Le dernier morceau était Ice Will Brennen d’ASP ; depuis la scène, je voyais tout le côté gauche de la piste se battre tandis que le côté droit continuait à danser comme si de rien n’était. À la fin, on m’a escorté hors de scène pour ma sécurité, et je crois que la bagarre ne s’est terminée qu’une dizaine de minutes après la fin de mon set.

10/ Revenons à ton travail de DJ, si tu veux bien. À ton avis, qu’est-ce qui fait un bon set ? Quel est, pour toi, le rôle d’un set de DJ, et comment cherches-tu à l’accomplir ?
Un bon set doit toujours inclure de la musique nouvelle, car il est essentiel de promouvoir les jeunes groupes ainsi que les nouveaux morceaux des formations plus anciennes ; sinon, cela n’a aucun sens.
Tu sais que ton travail en vaut la peine lorsque quelqu’un vient te demander quel était le morceau qu’il vient d’entendre — ou quand tu intègres un titre inédit et que les gens se mettent à danser dès la première écoute ;)
Je joue toujours la musique correspondant réellement au genre annoncé pour la soirée ; il n’y a rien de pire que d’arriver dans une fête comportant le mot Goth dans son intitulé, et d’y entendre Manson, NIN, Depeche Mode, Type O Negative, Lady Gaga, ou cinq titres de Sisters of Mercy en une heure — alors que ce n’est pas une soirée hommage !
La musique est le langage le plus universel ; elle unit tant de personnes venues de pays différents. Plus tu mixes, mieux tu connais tes morceaux : lesquels te permettent de changer de genre ou de tempo, lesquels remplissent la piste, etc.
Je crois que la plupart des DJs préparent toujours un peu leur set dans leur tête. Quand on mixait encore avec des CD ou du vinyle, on réfléchissait soigneusement à ce qu’on emportait ; avec le numérique, ce n’est pas différent : tu construis au moins une sorte de squelette mental que tu viens « habiller » le soir venu ;)

11/ Toujours en tant que DJ : lorsque tu écoutes des morceaux, qu’est-ce que tu recherches avant de les intégrer à tes playlists ? Et construis-tu tes sets différemment selon l’événement ?
Même après vingt-six ans, j’ai encore la chance de recevoir des promotions, surtout au format numérique, provenant aussi bien de jeunes groupes que d’artistes établis. Quand j’écoute un morceau, je ne cherche pas seulement un bon rythme ou un tempo efficace. J’aime tous les sous-genres qu’on peut jouer lors d’une soirée gothique, et j’essaie toujours d’inclure quelques titres plus lents ou plus atmosphériques en introduction de mes soirées : c’est le moment où les gens arrivent, prennent un verre, discutent, avant d’aller sur la piste.
Pour un set en invité, je cherche toujours un morceau qui instaure l’atmosphère d’ouverture — un seul ! — puis je passe directement dans le cœur du set ;)
Lorsque je joue dans un lieu en tant qu’invité, j’adapte toujours ma sélection : je veux que ce soit un excellent moment pour le public venu à l’événement, et cela se ressent toujours à la fin ;)
12/ En dehors de ton activité de DJ, as-tu participé à la scène post-punk/gothique d’une autre manière ? Par exemple en créant des zines, en organisant des concerts ou en jouant dans des groupes ?
Je dirais avant tout que je suis un DJ passionné, quelqu’un qui aime profondément la musique et soutient la scène post-punk et gothique. Mais il m’arrive parfois d’aimer me lancer des défis :-)
Quand j’étais à Leeds, je me suis associé à quelques amis pour organiser des concerts ; je crois que le premier fut celui de Dream Disciples. J’ai eu la chance de mixer au GothCon de La Nouvelle-Orléans, qui se tenait dans un hôtel avec une grande salle de bal durant le week-end de Pâques : c’était formidable, tous les groupes et les fans logeaient au même endroit, et l’ambiance était incroyable. Cette expérience m’a inspiré pour créer mon propre festival, Beyond The Veil, à Leeds. J’ai trouvé un hôtel doté d’une salle de bal où nous pouvions faire jouer des groupes. Nous avons de nouveau choisi Pâques, période plus calme pour l’hôtel.
Grâce à mon activité de DJ, j’avais déjà beaucoup de contacts avec des groupes et labels étrangers, et nous avons décidé, à la différence d’autres événements, d’inviter principalement de nouveaux groupes et peu de formations britanniques. La première édition rassemblait : Diva Destruction (États-Unis), Antiworld (États-Unis – première au R.-U.), Butterfly Messiah (États-Unis – première au R.-U.), Dance on Glass (Pologne/R.-U.), In Mitra Medusa Inri (Allemagne – première au R.-U.), Psydoll (Japon – première européenne) et The Last Days of Jesus (Slovaquie). C’est devenu un événement marquant, plein de souvenirs pour les groupes comme pour le public. Même lorsque des formations plus célèbres, comme ASP, ont joué plus tard, elles appréciaient l’esprit du festival : tout le monde profitait ensemble de la soirée d’avant-concert et du show du lendemain.
Le Beyond The Veil Festival — prolongement des soirées Black Veil à Leeds — a eu six éditions. J’y ai rencontré de nombreux amis parmi les groupes invités, même si cela représentait énormément de travail ! J’aimais particulièrement mixer à la Black Veil Party la veille, et, une fois le dernier groupe du festival terminé, je pouvais enfin souffler.
Pour ceux que cela intéresse, la liste complète des groupes ayant joué au festival est disponible sur https://djdeath.co.uk/
Nous avons également organisé plusieurs autres concerts, dont les premières britanniques de Ikon, The Crüxshadows et The Birthday Massacre, ainsi que des shows de The Royal Dead et Euthanasie (Japon). Plus récemment, j’ai contribué à organiser quelques concerts à Cracovie pour Miserea, Eat My Teeth et 25 Jesuses of Fear. Et une fois de plus, je me suis rendu compte que je n’en profite vraiment qu’une fois tout terminé avec succès. Mon conseil à quiconque veut organiser des événements live : il faut aimer profondément la musique gothique, calculer précisément les coûts, et se demander : si personne ne vient, puis-je me le permettre ?
Si la réponse est oui : fais-le ! C’est du travail acharné, c’est stressant, mais tu créeras de merveilleux souvenirs pour les autres et tu rencontreras des gens formidables.
Côté groupes, je dois avouer que j’ai parfois mis la main à la pâte, surtout pour aider des amis. Le premier groupe avec lequel j’ai joué en live fut The Eternal Fall (Espagne), où j’assurais certaines parties de guitare. Le second, Deviant UK, où je tenais les claviers pour plusieurs concerts mémorables, dont un devant deux mille personnes lors d’un festival. Plus récemment, j’ai assuré le chant et les paroles pour un groupe punk DIY protestataire, Rockwell Bombers — simplement pour me défouler un peu ;-)
En ce moment, j’envisage d’écrire ma biographie : j’aurais beaucoup de choses à raconter qui manquent dans la plupart des livres sur les années 80 et la scène gothique. Il y aurait de l’humour noir, un peu de jurons ; je suppose qu’il me faudrait un ghost writer ou quelqu’un pour m’aider à coucher toutes mes aventures sur papier.
Et puis, un jour, il faudra bien que je trouve une personne désireuse de créer un musée gothique pour exposer toutes les pièces de collection que j’ai accumulées ;)

13/ Comment te décrirais-tu en tant que personne ? Quelles sont tes autres passions dans la vie ? Et comment ta passion pour la scène post-punk/gothique s’intègre-t-elle à ton quotidien ?
Comme je suis dans le mouvement gothique depuis plus de quarante ans, il m’est très difficile de le dissocier de mon identité. Suspiria avait d’ailleurs un t-shirt dans les années 90 sur lequel on pouvait lire dans le dos : « Once You Turn Black You Never Turn Back » (« Une fois passé au noir, on n’en revient jamais »).
J’ai occupé plusieurs postes à responsabilité dans des entreprises du secteur bancaire, des télécommunications et de l’industrie pharmaceutique. Dans la banque, par exemple, j’étais le seul homme aux cheveux longs à mon arrivée ; cela te rend immédiatement différent de la norme. Tu peux être excellent dans ton travail, mais il faut plus de temps pour progresser, car les gens préfèrent te juger sur ton apparence plutôt que sur tes compétences.
Je peux dire, sans trop exagérer, que j’ai été le premier manager gothique du Royaume-Uni ;)
C’est assez amusant : il m’arrive de sortir le dimanche, simplement habillé de noir, sans rien d’extravagant, et d’entendre quelqu’un murmurer « Satan ! ». Si je portais un col blanc, me traiterait-on de prêtre ?
J’aime voyager, et j’ai deux tarentules : elles sont bien plus faciles à entretenir qu’un chat ou un chien.
14/ Prépare-toi : tu n’échapperas pas à celle-là. Quels sont tes plats et boissons préférés ? As-tu une recette spéciale à partager ?
Les fish and chips du Royaume-Uni me manquent ! Les meilleurs que j’aie goûtés se trouvent chez Carlos, à Alnwick Place, sur la côte du Northumberland : cela vaut le déplacement — une longue promenade sur la plage, puis un bon fish and chips. J’aime aussi le Yorkshire pudding traditionnel avec sa sauce à l’oignon. Et si tu vas un jour en Irlande du Nord, je te recommande l’Ulster Fry : un petit-déjeuner gargantuesque, parfait si tu as bu la veille ;-)
Je dois avouer que tout cela relève désormais des plaisirs coupables, car je mange beaucoup plus sainement qu’avant. Je cuisine souvent pour moi-même, mais rien de trop compliqué : je n’aime pas passer des heures derrière les fourneaux ;)
Côté boissons : j’aime les Jägerbombs, le cidre à la poire Kopparberg, le Baileys, la liqueur de pêche Archers Peach Schnapps, l’Amaretto, la bière Duvel et le vin rouge — mais pas tout en même temps ! ;)
15/ En tant que DJ et passionné de la scène gothique, quel serait ton rêve le plus fou ?
Ce serait de concevoir et de posséder un véritable club gothique : un lieu à la décoration inspirée d’un ossuaire, avec une scène en sous-sol pouvant accueillir des groupes.
L’étage supérieur serait un espace dédié aux vendeurs et artisans alternatifs, qui pourraient y louer un stand pour une soirée, une semaine ou un mois maximum afin de tester leurs idées sans s’engager sur un bail à long terme ni risquer de perdre de l’argent.
16/ Cher DJ De’Ath, ce fut un vrai plaisir de t’accueillir dans les pages de Jeu D’Ombre.
Merci infiniment d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.
Au plaisir de te revoir très bientôt 😊



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