Interview - Dark Line Spectrum - 2025
- Xzvrey
- 25 juil.
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 juil.

Qu’il est bon de mettre en avant des amis méritants qui portent un projet solide, unique en son genre et admirablement travaillé. Le talent et la qualité sont bien trop rarement salués, et Dark Line Spectrum en est l’illustration.
Donner la parole à ces deux âmes créatrices n’est pas simplement un geste amical, c’est une nécessité. Un projet tel que DLS ne saurait demeurer dans l’ombre. Bien au contraire, il mérite de se déployer sous une lumière sombre, élégante et tamisée, sous le regard attentif de fans admiratifs devant la somme de travail qu’exige un album de cette envergure.
Propos recueillis par Xzvrey en 2025.
1/ Salut Drone et Taxidermie ! Comment allez-vous depuis le temps ? Comment se sont déroulées ces derniers mois depuis la sortie de votre album ? Êtes vous satisfaits des retours pour le moment ?
Drone : Salut à toi, ça fait plaisir de te retrouver. Depuis la sortie de l'album, tout s'est accéléré. On est très actifs entre la promo, les retours des auditeurs et la préparation de la suite. Les critiques ont été globalement excellentes et les fans nous font sentir qu’on a touché juste. Ça nous pousse à continuer à creuser plus loin encore dans les abysses. Les radios étrangères ont été très réceptives, avec un vrai enthousiasme pour notre son et notre approche artistique. Nous remercions aussi vivement Cyberland Radio (https://www.facebook.com/Cyberland.Radioshow) qui nous soutient en France. Nous espérons bientôt susciter davantage d’intérêt auprès des autres radios françaises.

2/ Bien, nous nous connaissons de longue date et cela fait un moment que je suis votre parcours mais pourriez vous nous expliquer un peu ce qu’est Dark Line Spectrum (DLS) pour les personnes qui ne vous connaissent pas s’il vous plait ? Comment définiriez-vous le style de musique pratiqué par DLS ?
Taxidermie : DLS, c’est une exploration des abîmes de l’âme humaine. Ce n’est pas juste un groupe, c’est un miroir noir. Musicalement, on appelle ça du Dark Industrial Electro – une fusion d’EBM, d’indus, et d’électro sombre. Mais au fond, c’est une matière brute, émotionnelle, viscérale.
3/ Le nouvel album s’intitule Stolen Memories « Reiteration », pourquoi cette précision ? Est-ce une réédition de précédents titres ? Il me semblait qu’il y avait pourtant pas mal de nouveautés 😊. Plus généralement, comment s’est passé le processus de création de l’album ?
Drone : Stolen Memory (Reiteration), parce qu’il ne s’agit pas d’une simple réédition, mais d’une relecture. Certaines idées ont été repensées, reformulées. Oui, il y a des nouveautés – du son, des textures, des textes. Le processus a été long et dense, presque organique. On a puisé dans les souvenirs, dans les sensations brutes. L’album est à la fois une synthèse et une mutation.
4/ Comment organisez vous le travail dans DLS ? Qui compose, qui s’occupe du son ? Qui gère les designs et le site du projet ainsi que la communication ?
Drone : Je m’occupe de la composition, du sound design, de la prod, du mix et du mastering. C’est dans ces étapes que je peux vraiment pousser le son à ses limites, jusqu’au vertige. Je conçois également les shows laser pour le live, avec des visuels spécifiques à chaque morceau. C’est un prolongement de la musique dans la lumière, pensé pour faire vibrer autant les yeux que les oreilles.
Nous travaillons aussi avec Dr. Ballon, notre assistant technique pour la musique et la vidéo. Il possède une solide expertise dans les deux domaines, et ses conseils sont toujours d’une grande justesse. Il sait repérer les détails qui comptent, et nous aide à faire les bons choix techniques, tant dans la construction sonore que dans les aspects visuels. Sa présence nous apporte un équilibre précieux entre intuition et rigueur.
Taxidermie : Moi je prends en charge l’univers visuel : les clips, l’imagerie, les concepts de scène. C’est un travail de reflet et de distorsion, où chaque image prolonge la musique.
Drone : Et puis il y a Maître Chat. Il coordonne en coulisses. Il gère la logistique, les visuels complémentaires, le site internet, la communication, les relations avec TuneCore, le suivi des plateformes… C’est un peu notre manager, mais version DLS : discret, précis, efficace. Rien ne serait aussi fluide sans lui.
5/ Sortir un nouvel album, c’est souvent l’occasion de défendre l’opus concerné sur scène. Avez-vous déjà des dates prévues ? Comment les organisateurs de concerts peuvent-ils vous contacter pour vous proposer des dates ?
Taxidermie : On travaille sur une formule live forte, avec une expérience immersive. On est ouverts aux propositions. Pour les dates, le mieux c’est de passer par notre site :

6/ Drone, tu es depuis longtemps un véritable orfèvre du son, et je travaille souvent avec toi pour les groupes dont je fais partie*. T’arrive-t-il de proposer tes talents d’ingénieur du son à d’autres formations ? Comment fait-on pour t’engager comme ingé ? Es-tu ouvert au fait de t’occuper du mix/master pour d’autres groupes ?
*[NDLR : Drone a fait le son pour les albums de The Last Oath et Night Train To Nowhere, deux des projets de Xzvrey]
Drone : Oui, quand le projet me parle, je propose du mix/master sur mesure. Pour me joindre, passe aussi par notre page contact. Je privilégie les univers sombres, exigeants, où je peux vraiment apporter ma patte.
7/ Toujours en parlant de son, il m’a toujours semblé que tu étais très perfectionniste dans la manière de traiter le son d’un album. Tu vas vraiment très loin dans le détail, ce qui est impressionnant. Te considères-tu ainsi ? T’arrive-t-il de faire aussi des prods plus « sommaires » pour te détendre un peu ?
Drone : Perfectionniste, oui. J'aime aller au bout d’un son, d’une émotion. Mais parfois, je fais des prods rapides, instinctives. Ça permet de décompresser, de sortir du cadre.

8/ Drone, toujours en ce qui concerne la musique, tu as également mené pendant des années le projet Goth-Rock Vivid Atmosphere, un groupe culte de la scène bordelaise. Où en est cette formation ?
Drone : Vivid Atmosphere est en sommeil. C’était une autre époque, un autre langage. Peut-être qu’un jour je réactiverai cette entité. Pour l’instant, toute mon énergie est dans DLS.
9/ Je m’adresse maintenant à Taxidermie. Participes-tu toi aussi à la création de la musique en enregistrant des instruments ? Quel est (ou sera) ton rôle au niveau de la scène ? J’ai cru comprendre que les live intègreront une dimension visuelle reposant sur la technologie des casques VR.
Taxidermie : Je ne participe pas à la composition musicale à proprement parler, mais j’en construis l’écrin. Mon rôle, c’est de donner corps à l’univers visuel dans lequel la musique se déploie. En concert, je conçois un set immersif en réalité virtuelle : un cauchemar organique, comme une extension du son. Le spectateur ne se contente pas de regarder un concert, il entre dans un espace mental, un monde que nous avons façonné.
Le tout est amplifié par les shows laser créés par Drone, parfaitement synchronisés avec chaque morceau. Cela renforce l’immersion sensorielle et ajoute une dimension visuelle forte à chaque performance.
10/ Mi-temps, c’est l’heure de la déconne. Est-ce qu’il vous arrive de vous engueuler comme du poisson pourri au sujet de DLS ? 😁
Drone : Non, vraiment jamais. Ce n’est pas notre mode de fonctionnement.
Taxidermie : Il y a une forme d’alchimie silencieuse entre nous. Une compréhension instinctive. On ne cherche pas à convaincre l’autre, on écoute, on réagit, on fusionne. Ce n’est pas de l’accord systématique, c’est une tension créative saine, presque télépathique.
Drone : Dans DLS, chaque conflit potentiel devient une texture, un rythme, une image. Ce qui aurait pu être un clash devient une œuvre. Et puis bon… on est bien trop occupés à explorer les abysses pour gaspiller notre énergie dans des engueulades.

11/ Pour plus de légèreté, pourriez-vous nous expliquer l’origine de vos pseudonymes respectifs et ce qu’ils représentent pour vous ?
Drone : C'est un pseudonyme que je porte depuis longtemps, depuis l'époque où je faisais partie du groupe Techny-Call X. Il a été choisi en référence directe à la musique industrielle, pour sa sonorité froide et mécanique, et ce qu'il évoque de continu, d'inexorable. Un bourdonnement qui vibre dans les murs, dans les os. Drone, c’est la présence invisible, l’écho constant.
Taxidermie : C'est aussi un pseudonyme que je porte depuis plusieurs années, bien avant DLS. Il est chargé de souvenirs et d'une certaine poésie sombre, comme le nom d un animal de compagnie très cher disparu. C’est devenu un hommage discret, un lien intime. Le mot en lui-même évoque aussi la mémoire figée, la beauté fixée dans le temps, le paradoxe de l’immobile vivant. Ça colle parfaitement à ce que je cherche à transmettre visuellement.
12/ On ne saurait décemment éviter cette question importante : quelles sont vos influences musicales, ou au moins vos albums et groupes de référence ?
Drone : Mon univers s’est construit dans les années 80, dès la première écoute de Joy Division. Ce fut un choc émotionnel immense, une révélation. Cette musique m’a ouvert une brèche, un passage vers les mondes sombres que j’ai eu envie d’explorer toujours plus loin. Puis sont venus Front Line Assembly, Neubauten, Skinny Puppy, Nine Inch Nails...
Taxidermie : J’ai eu le privilège de me nourrir très (trop) tôt de cinéma d’auteur et de films sombres. Très jeune j’ai découvert La Maison du Diable (1964), Orange Mécanique, Eraserhead, les films de Dario Argento ou encore ceux de Jean Cocteau. Cela a modelé ma façon de voir l’image, le mouvement, la suggestion.

13/ Quel est votre regard sur la scène gothique (au sens large) d’aujourd’hui ? Vous qui avez connu ce milieu dans les années 90, est-ce que les choses ont changées ? En quoi ?
Drone : Elle est vivante, foisonnante. Ce qui me frappe, c’est la manière dont elle a su muter, s’adapter. Dans les années 90, la scène gothique était très codifiée, presque ritualisée. Aujourd’hui, les influences se mêlent davantage : l’indus flirte avec la techno, le post-punk se redécouvre, les jeunes artistes déterrent les sons du passé pour les injecter dans des créations neuves. On perd peut-être un peu de pureté stylistique, mais on gagne en liberté et en intensité expressive. Ce qui importe, c’est que l’obsession, la douleur, le trouble soient toujours là. Moins uniforme qu’avant, plus hybride. Les années 90 étaient une base, aujourd’hui on explore d’autres formes.
Taxidermie : Ce que je trouve fascinant aujourd’hui, c’est la manière dont la scène assume de plus en plus ses fragilités. Il y a une réappropriation de l’intime, de la vulnérabilité, de la folie douce. Les thématiques ne sont plus seulement esthétiques ou provocantes, elles sont viscérales. C’est comme si les artistes n’avaient plus peur de se mettre à nu. Et ça, c’est beau à voir.
14/ La dernière fois que nous nous sommes vus, nous avons abordé le sujet de l’évolution technologique. Vous utilisez par exemple la VR et l’IA (avec maestria je dois dire) pour vos projets. Que représente le progrès technologique pour vous ? Quels sont ses vertus et ses dangers ?
Taxidermie : La technologie est une extension de notre vision. Actuellement, nous développons activement une expérience VR immersive pour notre set live. L'IA reste pour nous un outil exploratoire, complémentaire à notre création. La VR, par exemple, n’est pas juste un gadget pour faire « futuriste ». C’est un outil pour altérer la perception, pour plonger le spectateur dans une autre couche de réalité. On ne regarde pas DLS, on entre dedans. On habite nos morceaux comme des espaces mentaux. Grâce à la VR, le public peut réellement se retrouver dans une pièce mentale où tout vibre en résonance avec le son.
Drone : Et l’IA, c’est un miroir. Elle n’invente rien, mais elle reflète nos impulsions, nos obsessions, nos paradoxes. On s’en sert pour générer des formes brutes, des pistes visuelles ou textuelles qu’on retravaille ensuite. C’est un outil, pas une fin. Elle ne remplace pas la création humaine, elle l’amplifie, parfois elle la dérange – et c’est bien.
Taxidermie : On est très conscients des risques. Quand la technologie devient le spectacle en elle-même, elle dévore le contenu. C’est ce qu’on évite. L’important, c’est que l’humain reste au centre. Que l’émotion soit toujours plus forte que l’interface.
Drone : La frontière entre l’homme et la machine est de plus en plus poreuse, et DLS se glisse exactement dans cette fissure. C’est là qu’on crée.

15 et un huitième (j’ai perdu le premier en route) / Quels seraient vos rêves les plus fous concernant Dark Line ? J’entends par là le truc le plus incroyable que vous aimeriez faire avec ce projet ?
Drone : Un live sensoriel total, où image, son, odeurs, mouvements sont synchronisés. Une expérience qui ferait vaciller les repères.
Taxidermie : Une exposition-installation permanente dans un lieu d’art, où chaque salle serait une plongée dans un morceau, un souvenir, une vision. Et pourquoi pas un film, un vrai long-métrage immersif.
16/ Vous êtes basés à Bordeaux et depuis un moment. Comment se porte la scène gothique et post-punk sur place ? Je sais qu’il y a Primitive Destrudo qui organise quelques concerts et DJ Algernon qui mixe tous les premiers vendredis du mois. Y a-t-il d’autres évènements récurrents sympa ? Beaucoup de public ?
Drone : Elle vit, discrète mais déterminée. Ce n’est pas Berlin, mais il y a des choses qui se passent.
Taxidermie : Des événements réguliers comme ceux organisés par Primitive Destrudo ou DJ Algernon permettent à la scène locale de se renouveler continuellement. Et quelques collectifs underground font bouger la scène. Le public est présent, exigeant, et surtout très impliqué.
17/ C’est l’heure de la bouffe ! Vous n’y couperez pas non plus. Quels sont vos plats, boissons et aromates préférés ?
Drone : On adore cuisiner ensemble. C’est un moment de pause où tout s’aligne. On coupe, on émince, on fait mijoter, pendant qu’on parle de sons, de clips, de DLS. C’est souvent là que les idées prennent forme ou que les doutes se dissipent. On en profite aussi pour écouter les dernières sorties ou peaufiner des plans.
Taxidermie : Et puis on aime partager ces moments avec nos amis autour d’une bonne table. On aime tout ce qu’on ne devrait pas : une entrecôte bien saignante, le gibier offert par nos voisins, la charcuterie basque, un vieux fromage puissant, et un bon millésime. Ces instants-là sont aussi importants pour notre création que n’importe quelle session studio.

18/ Quels sont les gros projets à venir pour Dark Line Spectrum ? Un album tout juste sorti c’est déjà beaucoup, il est vrai, mais quels sont vos objectifs à moyen termes ?
Drone : L’album marque une transition suite au départ de Mildread, ancien membre de DLS.Nous restons fidèles à notre ligne artistique. L’album Réitération marque la fin d’une époque, celle où Mildread faisait encore partie de l’entité DLS. Aujourd’hui, le projet a évolué, il est différent, mais il reste totalement ancré dans l’identité sombre, indus, et émotionnelle que nous avons toujours portée.
Taxidermie : Plusieurs morceaux sont déjà en préparation. On avance morceau par morceau, sans forcer, en laissant les choses se construire d’elles-mêmes. Il y aura d’autres titres, d’autres clips, d’autres visions. Mais toujours la même intention abyssale.

19/ Mes amis, nous approchons déjà de la fin de l’interview, c’est passé vite mine de rien. Auriez-vous une dernière information à faire passer au lectorat du webzine ?
Drone : Écoutez l’album dans le noir. À fond.
Taxidermie : Et rejoignez notre Discord, les abysses vous attendent.
20/ Merci beaucoup d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Le mot de la fin vous revient et j’espère vous revoir très bientôt pour de nouvelles aventures musicales partagées.
À plus ! 😃😃
Drone : Votre vérité est celle qui n’apparaît pas dans la lumière.
Taxidermie : Nous sommes l’abîme au-delà des abysses. Merci à toi. À très vite dans les ténèbres partagées.
Un immense merci au magazine Jeu d'Ombre, qui reste pour l'instant le seul média Français à s'être intéressé à DLS avec attention et respect. Leur soutien nous touche beaucoup.

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