MORGUILIATH – Blue Side Of An Aborted Löve

Black Legion Metal – France

Ashen Cold Productions – 2025

[EDIT]

C'est avec une immense tristesse que nous avons appris le suicide de RATS, l'unique artiste derrière Morguiliath. Ce désastre s'est produit le 1er septembre 2025. Son oeuvre demeure le témoignage assourdissant de son talent.

Par ailleurs, nos échanges ont été des plus polis, respectueux et sincères ; preuve qu'il existe des personnes de qualité dans tous les milieux, même dans celui très sulfureux du Black Metal.

--- ---- ----

Défenestré ! C’est l’état dans lequel je suis après au moins huit écoutes de cet excellent album. J’ai eu l’impression de passer à travers une vitre à chaque fois et de me relever pour un tour de plus.

Qu’un album de Black Metal me fasse un tel effet aujourd’hui, c’est rare. Je suis toujours resté très attentif aux sorties pléthoriques de ce style musical qui m’accompagne depuis longtemps maintenant. Mais là, franchement, nous sommes face à un très bon cru, un cru classé même.

Morguiliath, ce n’est pas un groupe émergent, c’est un projet bien ancré dans la scène depuis 2003 (!), et c’est surtout le digne héritier des Légions Noires. Pour les gens qui ne connaissent pas (sans jugement aucun), il s’agissait d’un collectif de groupes français actifs notamment durant la seconde moitié des années 90 (mais aussi un peu avant), et qui ont réellement transcendé le Black Metal en le transformant en une pure énergie sombre… dénuée de toute conception humaine, sociale, morale, etc. Le groupe le plus notable de cette période était pour moi Vlad Tepes, mais il y en avait d’autres : Torgeist, Belkètre, Black Murder… C’était unique en son genre, tant conceptuellement qu’esthétiquement.

Quand on écoute Blue Side Of An Aborted Löve, on se rapproche de cet esprit Black Legion Metal. Le son, les compositions, l’atmosphère, la voix… tout est très fidèle à ce modèle, mais sans le copier bêtement. La musique de Morguiliath a une existence propre, indépendamment de ses modèles (une véritable prouesse dans le genre Black Metal).

Une petite chose diffère cependant : la batterie est beaucoup plus chargée que dans les classiques de l’ère des Légions Noires. Ce n’est d’ailleurs pas du tout dérangeant. Ce qui importe, c’est que Morguiliath s’exprime honnêtement, sans chercher à reproduire strictement la musique dont il s’inspire. Pari réussi.

Les morceaux sont plus rapides, plus destructrices aussi. Virgo Sine Fine est un modèle de composition sombre, viscérale et épique en même temps. Ce titre produit exactement ce qu’on attend du Black Metal : une sensation paradoxale de malaise et de béatitude (si l’on est réceptif à cette musique). C'est un style qui n’existe pas pour plaire ou pour être populaire. Il est là pour exister, c’est un témoignage qui se livre sans compromis et sans arrière-pensée. En cela, je ne saurais que trop vous recommander l’écoute de On This Nevrotic Way, qui retranscrit parfaitement cette idée. C’est peut-être le titre qui m’a le plus marqué dans cet album incroyablement bien pensé et construit.

J’avais déjà beaucoup apprécié l’album Occult Sins, New Unholy Dimension, mais ce nouvel opus va beaucoup plus loin dans la recherche d’une personnalité propre et d’une expression sans compromis. Il évoque une époque et une esthétique bien particulières, mais en même temps, il s’en approprie les codes pour faire ce qui importe le plus : la musique de Morguiliath. C’est un succès total.

Techniquement, l’album est irréprochable, je ne m’étendrai pas sur le sujet. La cohérence des compositions est optimale, l’exécution est sans faute, le mixage/mastering parfaitement adaptés à ce type de musique. Respect.

Je retournerai sans doute régulièrement à cet album qui ne m’a pas laissé indifférent. Non content d’évoquer les ténors des Légions Noires, Morguiliath apporte quelque chose de plus. Une spécificité, un regard personnel (pas neuf, mais unique), et une sincérité artistique qui m’ont marqué.

Froidement recommandé. Un essentiel du Black Metal destiné à devenir culte !

Lien Spotify

Lien Label